Le jour où j'ai failli goûter à la soupe de thomate

Le silence, ce curieux, avait prit place dans la chaumière regardant d’un œil gourmand la cuisinière qui s’affairait au prés d’une large marmite mijotant sur le feu. De temps à autre, le tintement de la louche venait heurter un rebord, repoussant le sire aux confins de la pièce où il se recroquevillait l’espace d’un instant. Puis d’un bond agile, il reprenait place sur le fauteuil au pardessus de velours trônant en bout de table. Mais alors qu’il s’apprêtait à s’assoupir dans la calme chaleur du rembourrage, la lourde porte en bois l’isolant des brouhahas de la rue se mit à vibrer sourdement, violenté par le pommeau d’une dague qu’on malmenait contre sa peau massive.


Calmement, elle reposa son ustensile et enveloppa ses mains dans un repli du tablier noué à sa taille. Un regard rapide sur la flamme qu’elle savait prête à bondir à la moindre minute d’inattention, puis elle s’avança à contre cœur vers l’entrée, s’interrogeant sur l’identité de ce visiteur matinal…



Lorsque la porte s’ouvrit enfin à son appel, Kyrjä fut d’abord surprise de ne pas voir apparaitre deux couettes bien familière par l’entrebâillement. Hésitante, elle finit par bredouiller après un court instant d’interdit. « Heu… Dame Myan… ne vit-elle pas ici ? ».

Son interlocutrice la dévisagea longuement avant de répondre paisiblement. « Elle ne devrait pas tarder… Vous souhaitez l’attendre au chaud ? » Disant ces mots, elle se recula ouvrant plus grand la porte par laquelle se précipita une petite brise fraiche qui s’était égaré.

Kyrjä ne se fit pas prier d’avantage, elle emboita le pas de son hôte qui déjà semblait s’être désintéressé de sa présence pour revenir à son ouvrage. La valkyrie prit soin de refermer la porte puis fit quelques pas dans la chaleureuse demeure.



La salle était inondée d’une agréable odeur, porté par un léger courant d’air, qui s’insinua rapidement dans ses narines alertes. Kyrjä pointa son nez en l’air, se laissant guider par les effluves sucré-salé qui émanaient de la marmite. Avec précaution elle s’approcha à pas de chats, confuse à l’idée de déranger l’artisane dans son ouvrage. Elle hissa son visage par-dessus l’épaule de la cuisinière et plongea son regard dans le profond chaudron au creux duquel bouillonnait une lave ardente. « Tomate ? »…

Qui sait alors ce qu’il serait advenu de la soupe si, mue par un divin hasard, la porte ne s’était pas aussitôt ouverte projetant au sol l’ombre de deux couettes harassées par leur dure matinée ?

L'air s'engouffra dans la maison mais la Valkyrie à couettes ne s'en soucia pas. Ses yeux parcoururent la petite maisonnette, cherchant la silhouette familière de la cuisinière, les mots déjà prêts à franchir ses lèvres, chantonnant un bonjour maintes fois répété au fil des jours. Mais ce ne fut pas sur la cuisinière que le regard de Niemand tomba en premier.

Les mots restèrent coincés dans sa gorge tandis que son cerveau engourdi par la fraicheur extérieure reconnaissait Dame Kyrjä. Surprise - voir certaine d'être victime d'une hallucination- la demi-sang laissa planer un léger silence, toujours plantée dans l'embrasure de la porte.

- Bon... bonjour ?" Les mots s'étaient enfin libérés et Niemand sortit de sa torpeur en sentant Groââh pousser contre ses jambes, désireux de se frayer un passage dans la demeure. Akamyss se retourna à peine, lui faisant signe de refermer l'entrée.

Ceci fait, la valkyrie à couettes fit enfin un pas à l'intérieur, laissant Groââh se faufiler jusque dans les jambes de Kyrjä et d'Akamyss, quémandant déjà un petit quelque chose à manger. Niemand, elle, était bien incapable de quitter son air halluciné, les yeux toujours braqués sur Kyrjä.

- Dame Kyrjä... Que faites-vous ici ?"

Ici. Avec la cuisinière. Niemand n'en revenait pas. C'était comme si deux mondes venaient de se rencontrer, de se heurter. Et l'odeur de la tomate qui frappa les narines de la demi-sang lui sembla rendre la scène encore plus surréaliste. Son enfance et son destin étaient rassemblés dans la même petite pièce exiguë, sans qu'elle ne sache réellement comment ni pourquoi.

Groââh déambula prestement dans la salle, sans doute mis en bouche par la savoureuse odeur qui émanait du fourneau. Apposant sa truffe dans chaque recoin de la pièce, se hissant tantôt sur ses pattes arrière pour inspecter le dessus des meubles ou tenter vainement d’obtenir l’attention d’Akamyss. il finit par déceler une étrange substance accolé aux bottes de l’étrangère qu’il entreprit d’identifier, humant avec passion le dessus de ses pieds.

Lorsque Niemand approcha, Kyrjä la salua d’une profonde révérence se gardant toute fois d’y adjoindre un sourire pour préserver la part solennel de sa visite. Sans attendre, elle fit le tour de la table, manquant de trébuchet sur Groääh, et prit place sur un siège sans la quitter des yeux.

- Dame, la raison de ma visite m’est assez pénible à exprimer… Pardonnez, mais je ne saurais vous ménager en vous l’exposant.



Elle jeta un regard hésitant sur Akamyss semblant encore très absorbé par ses préparatifs, prit une profonde inspiration et commença à exposer les événements récents. Insistant sur le fait qu’ayant consentit à servir Odin elle avait pris implicitement un engagement, elle lui notifia l’importance de conduire à terme la mission qui lui avait été confié : mener un Einherjar au Valhalla. De cette remarque, elle déploya son argumentaire lui signifiant qu’en aucun cas elle ne pourrait à sa guise renoncer aux responsabilités qui lui avait été confié au risque d’encourir la fureur du dieu. Aux termes de ce discours sentencieux, Kyrjä ne put réprimer un léger sourire en ajoutant ces mots :

- Vous connaissez certainement l’affection que vous portent vos sœurs et notre pardon vous est déjà acquit ; Mais il vous reste à reconquérir la confiance de notre père. A cet effet, une quête… Particulière vous est confié à ce jour.



Alors, l’héritière commença à lui détailler une curieuse pénitence… Pour ce que Niemand avait compris, il s’agissait d’obtenir quatre lettres de rédemption au prés de ses sœurs. A l’entendre, il n’y aurait rien de plus simple. Il suffirait simplement d’aller trouver la Valkyrie de son choix et de lui demander de lui remettre le document. Lorsqu’elle en détiendrait suffisamment, alors son honneur lui serait rendu. Kyrjä lui décocha un regard confiant.

- Dame, m’avez-vous comprise ? Avez-vous…. Des questions ?



[HRP]Les demandes pourront être formulées via le jeu et/ou sur le forum –Dans un sujet public. Plusieurs demandes peuvent être formulé en même temps à condition de ne pas faire de « demande groupé ». Les Valkyries susceptibles de remettre une lettre de rédemption sont : Isharanya, Gwendhel, Yumehian, Hystryane, Kyrjä[/HRP]

Niemand a retenu que Dame Kyrjä désirait avoir des nouvelles de cette histoire de lettres de rédemption. Après concertation avec Groââh -et considérant tout ce qui lui tombait sur la tête ces derniers temps- la Valkyrie à couettes décida de ne pas faire l'effort d'écrire des missives claires et détaillées, mais plutôt de se servir de son petit journal (intime), dans lequel elle consignait ses pensées et les évènements les plus récents.

Quelqu'un de réfléchi aurait pu attirer son attention sur le fait que cela ne se faisait pas d'envoyer des pages arrachées de son journal à l'héritière, ou de laisser traîner celles-ci sur l'une des tables du campement... mais Niemand n'avait que Groââh à disposition, lorsqu'elle fit ce choix, et un ourson n'a rien d'un être capable de réflexion.

Citation :

La signature de rédemption d'Isharanya
(ou une sombre histoire de plan à dérober.)

Je n'ai rien compris.

On a essayé de m'expliquer, pourtant, mais bon, franchement, j'ai juste l'impression qu'une signature est tombée dans ma main, comme ça, pif, paf, pouf. Dame Isharanya voulait quelque chose, un plan ou quelque chose comme ça, pour renflouer ses finances. Les finances, c'est difficile à gérer, moi par exemple je suis toujours pauvre. Mais bon, tant que j'ai les petits plats d'Akamyss dans mon sac je ne m'en rends pas vraiment compte. Et Akamyss fait en sorte que j'ai toujours ma besace pleine de nourriture, tu sais. Parfois, elle tente de m'expliquer qu'il ne faut pas que je donne ce que je trouve à de jeunes aventuriers, que je devrais le vendre et tout ça. Mais ils sont tellement contents quand je leur offre quelque chose ! Leurs visages s'éclairent, parfois il sautillent de joie, c'est un peu comme Groââh devant un cuissot.

Je m'égare un peu, je crois. Hmhm. Bref, Dame Isharanya semblait vraiment ennuyée d'avoir si peu de pièces d'or, ça avait l'air vraiment important pour elle. Elle disait qu'elle avait trouvé la solution et qu'elle avait besoin de mon aide. Quand je peux rendre service, je le fais. En plus il suffisait que j'emprunte ce « plan secret » à l'une de mes autres sœurs pour qu'elle puisse le remettre à un généreux acquéreur. J'aurais sûrement rien compris au parchemin, mais bon, si lui pouvait le comprendre et y trouvait de l'intérêt...

Groââh et moi on a beaucoup réfléchi, quand même. Faut dire que quand on emprunte quelque chose, en général, c'est pour le restituer après à son légitime propriétaire. Par exemple, tu vois, Dame Hystryane m'a prêté son marteau -il tape drôlement fort. Prêter, ça veut dire que quand j'en aurais un de bien, je lui rendrais. Peut-être qu'elle le prêtera à Nyamé après. Mais là, le plan secret, on comprenait pas trop avec Groââh. Comment allait-on le rendre à nos sœurs après si Dame Isharanya le vendait ?

On avait très mal à la tête, avec toutes ces réflexions, Groââh a même boudé son cuissot. Parfois, je me dis qu'il comprends beaucoup de choses pour un stupide ourson. Ou peut-être que j'ai beaucoup d'imagination et que j'ai passé trop de temps au milieu des ours...

Quoi qu'il en soit, il a boudé son cuissot. C'était presque inquiétant. Il a fallut longtemps quand même pour que je me demande ce qu'il y avait sur ce plan secret. Si nos sœurs le gardaient, il y avait sûrement des chances pour que ce soit important. J'ai jamais fouillé leur sac -ce serait mal- mais je suppose qu'elles ne sont pas comme moi, elle ne gardant pas précieusement n'importe quelle broutille qu'elles trouvent par terre. D'ailleurs, je t'ai dis que mon sac s'était cassé ? J'ai essayé de rentrer mon armure dedans. Je pensais qu'il était résistant, mais visiblement... Il va falloir que je demande à Autari de me le réparer.

Dans tous les cas, j'ai eu très mal à la tête à force de réfléchir. Mon casque pesait lourd à ce moment là. Et Groââh boudait toujours son cuissot.

J'étais très ennuyée, je suis déjà punie de tous les côtés et je n'avais pas envie de me refaire punir pour avoir emprunté un document -ou quoi que ce soit- que je ne pourrais pas rendre. J'aurais sûrement laissé des cheveux sur la scène du crime alors j'avais peu d'espoir qu'on ne comprenne pas que ça venait de moi. J'ai dû refuser... j'aime pas dire « non » à mes sœurs, c'était plutôt troublant. Surtout que j'avais déjà prévu de refuser l'autre épreuve, celle de Dame Gwendhël... Mais bon je préfère être mangée pour lui faire plaisir que d'être encore punie. Je crois que j'avais vraiment vraiment mal au crâne, à ce stade là... Je me suis dis que je pourrais donner tout ce que j'avais à Dame Isharanya à la place, ou que je pourrais très bien aller lui chercher des ingrédients rares. Avant de mourir dévorée par une atroce créature pleine de dents, évidemment.

Groââh a arrêté de bouder son cuissot -il est très caractériel en ce moment quand même. Et Dame Isharanya a parut soulagée, mais je ne sais pas de quoi. J'ai pas tout compris. Ce que je sais, c'est que sa lettre est tombée du ciel, qu'elle ne m'a rien demandé d'autre pour l'instant et que mon taux de survie a baissé de moitié, avec cette histoire.

Je vais me faire bouffer mais j'ai une lettre de rédemption. Et Groââh mange à nouveau normalement.

Citation :

Seconde lettre de rédemption.
« Dame Yumehian, Groââh a mangé mon livre... »

La seconde épreuve a été horrible. C'était une suite de questions et tu dois savoir combien je déteste les questionnaires. Déjà sur les bancs de l'école, Akamyss me soufflait toutes les réponses. Miss Coals -tu te souviens de Miss Coals ?- me faisait voyager du tableau au coin de la classe à chaque heure d'apprentissage. Elle me tirait les couettes, me tapait sur les doigts et une fois -je ne l'oublierais jamais- elle m'a assommé avec un gros livre. Une encyclopédie, je crois. La connaissance, c'était déjà atrocement douloureux à cette époque. Mais là, en plus, Groââh avait mâchonné mon livre sur les règles de notre clan. Il mâchonne tout ce qu'il trouve, en ce moment, peut-être qu'il a mal aux dents, ça m'inquiète un peu.

Dame Yumehian a posé une série de questions horriblement compliquées. Comme si j'avais besoin de connaître le nom d'une chèvre pour me servir des mes sceaux de lumière. Et puis, quand même, un nom, ça s'obtient pas si facilement (surtout quand Groââh a mangé votre encyclopédie Valkyrie et que s'en procurer une autre est difficile, aller à l'académie sans se perdre, ça tient de l'exploit). C'est personnel, un nom. Et je l'ai jamais rencontré cette chèvre moi.

Bon, quand même, j'ai trouvé quelques réponses. Je ne sais pas d'où elles sortaient, mais je soupçonne Odin de mes les avoir soufflé. Je dois lui faire un peu pitié à notre divin père, tu sais. Tiens, l'autre jour, j'ai eu envie de pleurer et là... Tu sais pas ce qu'il a fait ? Ah, oui, c'est vrai, c'est un secret... Chuut.

On en était arrivé aux questions à propos des Valkyries, tu vois. J'étais si contente de connaître enfin le sujet. Ah ça oui, j'avais retenu la leçon, c'était le premier chapitre du livre que Groââh a mangé (je suis jamais allé plus loin que ce chapitre, mais ne le dis pas). Je connaissais ce passage presque sur le bout des doigts. Mais Dame Yumehian n'était pas satisfaite – il faut dire que je n'avais toujours pas trouvé le nom de la chèvre. Elle voulait que je lui dise ce que moi je pensais. Tu te rends compte ? On me demande de penser, en plus. Je suis pas prêtresse ou mage, l'intelligence et les connaissances, ça me passe un peu au dessus. Sa curiosité... J'avais déjà raté l'épreuve, mais alors, essayer de me rattraper en délivrant mon point de vue personnel... Tu t'en doutes qu'il n'a pas plût ? Je suis une combattante d'Odin, sa fille, seules mes compétences comptent, tu n'es pas d'accord ? Qu'est-ce que ça peut faire si j'aime mes sœurs ou pas ? Ou si je veux être une Valkyrie ? De toutes façons, à moins qu'on en arrive à me vider entièrement de mon sang, je resterais la fille d'Odin. Groââh est d'accord avec moi.

J'avais raté.

Je ne voulais même plus de sa signature. J'avais raté, et elle aurait dû faire comme Miss Coals, me mettre dans un coin de la salle le temps que le nom de la chèvre me revienne. J'aurais donc passé tout le reste de ma vie face à un mur. Je t'ai dis que je ne connaissais toujours pas le nom de cette chèvre, non ? Pourtant, je me suis procuré un autre livre.

Dame Yumehian voulait absolument savoir en quoi je croyais. J'avoue que j'ai été très angoissée. Un chevalier met sa foi en la lumière, en l'astre brillant, en la chaleur du lendemain. Quoi d'autre ? J'ai foi en Groââh aussi. C'est quand même mon meilleur ami. Et puis en Odin – je suis quand même une Valkyrie. J'avais raté, j'allais devenir une errante, mais Dame Yumehian persistait à vouloir savoir ce que je pensais. Alors je lui ai dis.

Je ne me souviens pas de ce que je lui ai dis, mais je lui ai dis. Mes pensées changent tous les jours. Et je lui ai montré le nouveau livre que j'étais allé chercher à l'académie. (Je ne connais toujours pas le nom de la chèvre, par contre. Il faudra que je lui demande... à la chèvre.)

J'ai raté. Mais j'ai quand même la lettre de rédemption. Peut-être que ce serait bien que j'arrive à en obtenir une sans faire n'importe quoi. Je vais essayer... Et que je me renseigne à propos de cette chèvre. Et que j'éduque Groââh à souffler les réponses. Il servirait au moins à quelque chose.

La troisième page peut être qualifiée de succincte, de pressée. Rédigée d'une main fébrile - excitée.

Citation :

L'envie de faire trembler les montagnes

Je crois que Dame Hystryane a voulu vérifier mes capacités de combat. Tu t'en doutes, j'ai été un peu plus à l'aise qu'avec mes prétendues capacités de réflexion. Le seul problème, c'est que je n'ai pas bien compris qui, parmi les affreuses bestioles que j'ai combattu, comptait dans cette « épreuve » là. J'ai un peu tendance à taper sur tout ce qui bouge. En particulier ce qui bouge et ose ricaner à la fois.

Dame Hystryane m'a donné sa rédemption après que nous ayons été nous frotter à Jeckarce, tu sais, le cyclope. Dame Hystryane dit que c'est une chèvre bleue – ou je ne sais plus quoi, et je commence à me demander si par hasard ce n'était pas cela la réponse à la question de Dame Yumehian.

Peut-être que la chèvre s'appelle Jekarce (ou Jeckarce ? Ou juste « la chèvre » ?). En tous cas, j'avais drôlement peur en allant le voir, même si la présence de Dame Hystryane me calme toujours beaucoup. Il faut dire que j'avais proposé au Sir Einwiss d'éliminer la chèvre bleue avec moi et que j'aurais été très ennuyée de le perdre dans le combat.

Groââh pense que je manque de confiance, mais en même temps, c'est le premier à rire lorsque l'un de mes coéquipiers prends un coup égaré et s'écrase la tête dans la boue à mes pieds. Chaque combat désormais me rappelle ce cher Berrofar (ou bien Borrofar ?), qui non content d'être vicieux et de toujours m'attaquer par derrière, lamine mes compagnons avant que je ne comprenne quoi que ce soit. La dernière fois, un jeune éclaireur un peu trop intrépide a tout juste eu le temps de me hurler que l'énorme ours était là qu'il atterrissait déjà à mes pieds raide mort, le cou rompu. Et j'ai le vague souvenir de certaines de mes sœurs assommées par un coup d'ailes de cette démente de libellule qui traîne à Aslan. Ou de Dame Kurleen très amochée au cours de notre progression à l'abbaye abandonnée.

Alors, c'est vrai, peut-être que je manque de confiance désormais. Mais ce n'est pas parce que j'ai un peu peur que je ne vais pas aller au combat. Au contraire, même, c'est incroyable de se battre avec une boule dans le ventre. Et puis, cette épreuve, je n'ai pas triché pour la réussir. Et je l'ai comprise. Et j'avais vraiment envie que Dame Hystryane soit fière de moi.

D'une certaine manière, l'approbation de Dame Hystryane était ce que je voulais le plus. Les autres félicitations m'ont parues fades à côté des siennes. Je ne peux pas me l'expliquer, mais mon âme de combattante tenait particulièrement à réussir ce qu'elle me demandait, et je lui étais reconnaissante de juger le chevalier que j'étais autant que la Valkyrie, sans s'attarder à vouloir connaître mes pensées.

Groââh est déçu que je n'écrive pas un peu plus sur le sujet. Mais je n'ai rien à en dire de plus. Comme pour toutes les choses qui sont vraiment importantes, les mots ne se suffisent pas, paraissent superflus. Je ne peux qu'avouer avoir envie de me battre pour échapper aux regards pesants qui me suivent ces derniers temps. Les statues de ces géants minotaures me font envie, m'appellent. Mon sang tourne, ma tête bourdonne... et je frissonne à nouveau d'anticipation à l'idée de mon marteau s'abattant sur des montagnes, faisant trembler la terre et grogner mon ourson. Plus qu'une lettre de rédemption, c'est l'envie qui naît à nouveau en moi, l'âme guerrière qui se soulève à nouveau.

Kyrjä était arrivé au confins de la vallé d'Ishra et devant elle s'étiolaient les crêtes de Mordrakan léchés par les rayons d'un soleil levant qui l'irisait de couleurs mordorées. Juché sur son lion elle se laissait guider par l'animal, terminant la lecture de quelques pages déchirées qu'un corbeau lui avait porté la veille.
Finalement, elle replia pensivement le manuscrit et le glissa avec soin par dessous l'épaisse fourrure dont elle s'était couverte.

Une légère fossette se dessina à la commissure de ses lèvres tandis qu'elle repensait à la succession d'évènements qui avait fait couler cet encre. L'éveille du démon de Zalaniel, la perversion de ses proches, ses doutes, sa fuite, leur conversation un après midi chez le forgeron du fort Obsidien, ces épreuves pour retrouver sa légitimité aux yeux d'Odin...

L'idée que Myan puisse encore ressentir un quelconque malaise ou un doute s'immisça furtivement dans son esprit. Mais une pensée en entrainant une autre, ses craintes s'estompèrent cédant la place à son pragmatisme. A son retour, elle devrait redonner à la demi sang les honneurs qui lui reviennent.